L'interview de Tessilim Adjayi

28/12/2021
DN.Blessing : Bonjour Tessilim Adjayi. Vous êtes photographe, cinéaste et documentariste. Quelle est la carrière que vous avez débutée en premier?
Tessilim Adjayi : La carrière a débuté par le montage de film, donc du cinéma puisque je suis monteur de formation.

Il y a eu ensuite l'aller-retour entre photographie et documentaire. En 2018 j'ai réalisé REJOINDRE L'EUROPE MOURIR EN MER, un documentaire de création qui m'a permis d' être repéré dans des festivals de films en France , au Bangladesh , au Burundi , au Niger , au Cameroun , en Centrafrique , au Togo , etc.
Aujourd'hui, je me suis approprié un art pour m'exprimer. Cet art me permet de me libérer de tout ce que je ressens pour l'humanité afin que j'aie une liberté d'esprit. Cet art c'est écrire avec la lumière : LA PHOTOGRAPHIE.
 

DN.Blessing : "Je réalise des photographies créatives pour des expositions. J'offre aussi des photos de portraits et des reportages..."C'est par ces quelques mots que vous vous présentez sur votre blog - https://leblogdetessilimadjayi.blogspot.com
La créativité et l'exposition de vos photographies sont les premiers points que vous évoquez dans votre présentation. Votre parcours et vos expositions à l'échelle nationale et internationale l'attestent! Vous êtes un photographe très créatif qui multiplie les expositions. Que pouvez-vous dire sur l'importance des expositions dans une carrière de photographe?
Tessilim Adjayi : L'exposition est le lieu d'échanges, de rencontres de passionnés, de ce que vous faites comme art.

L'exposition dans la carrière d'un artiste au sens large du terme permet de se faire connaitre, de créer une communauté, de valoriser son art et son expression artistique.
L'exposition permet à un photographe d'explorer sa démarche artistique afin de proposer son regard (sur un sujet) aux visiteurs et aux téléspectateurs.
Le photographe qui expose ses photos à la chance de rencontrer des visiteurs qui peuvent acheter ou commander ses œuvres, et surtout rencontrer des collectionneurs et des commissaires d'expositions qui peuvent l'aider à se faire vendre et à vendre ses œuvres.

NE PRENEZ PAS QUE DES PHOTOS, MONTREZ-LES ! ET POUR MONTRER VOS PHOTOS, IL FAUT QUE VOTRE DEMARCHE SOIT SINGULIÈRE.

Léo Martinez disait dans sa thèse de doctorat sur Le rôle des expositions dans la valorisation de la photographie comme expression artistique que :

« L'exposition joue un rôle fondamental dans l'élaboration de la carrière de l'artiste et conditionne ses potentialités à pouvoir continuer de créer. Elle préfigure la constitution d'identité d'artiste que cherche à acquérir une personne. L'exposition marque le début d'une carrière artistique et la liste des expositions d'un artiste est son meilleur curriculum vitae, elle contribue à le situer sur la carte des tendances esthétiques comme dans une hiérarchie des réputations» ... «plus un artiste expose, plus la confiance qui est placée en lui s'accroit, et plus sa cote aura tendance à augmenter Ce mécanisme illustre bien le poids et l'importance des décideurs et des médiateurs dans la valorisation de l'œuvre d'un artiste.»

Aujourd'hui outre des salons photos, des galeries, ... grâce aux réseaux sociaux, aux sites web, aux blogs, on peut faire ses premières expositions afin d'avoir des expériences.
Travailler votre démarche artistique, rendez vos concepts singuliers : un public attend forcément vos photos ; n'ayez donc pas peur!


DN.Blessing :  Il y a des photographes africains qui n'osent pas exposer leurs photographies pour la toute première fois faute de renommée. Ils estiment ne pas être assez connus à l'échelle internationale pour le faire parce qu'ils sont partis du principe qu'à l'échelle nationale, il n'y a aucune considération portée sur la photographie artistique. Au final de belles œuvres restent dans les placards durant des années voire toute une vie; et cela contribue à la présence minime des photographies artistiques africaines lors d'évènements nationaux et internationaux.
Qu'est-ce qui vous a incité à exposer vos photos pour la première fois? Quel bon souvenir gardez-vous de votre toute première exposition?
Tessilim Adjayi : Les photographes qui n'osent pas exposer leurs clichés se disent ne pas être prêts pour le faire, et ils ne seront jamais prêts! On n'est jamais prêt à 100%. Il faut donc se surpasser ; participer au concours photo, aller regarder les expositions,...

La première fois que j'ai présenté mes photographies remonte à 2019. Vous comprenez que c'est juste hier. (Rire). En 2019, j'ai participé pour la toute première fois à l'exposition collective de la Première édition de la semaine de la photographie de Lomé (SEPHOLO). J'avais juste envie de montrer mon regard artistique sur l'impact de l'utilisation des smartphones sur la condition humaine.
Cette première exposition m'a permis de rencontrer des photographes et découvrir d'autres formes d'expressions artistiques qui m'ont permis d'aiguiser ma démarche artistique et de changer de regard.

Le bon souvenir que j'ai gardé de cette première exposition c'est la rencontre avec Emelyne MEDINA, la commissaire de la SEPHOLO.


DN.Blessing : En lisant votre biographie publiée sur votre blog, on y découvre l'origine de votre passion pour la photographie : Votre expérience professionnelle chez Photoshop Lomé.
Que s'est-il passé exactement? Quels sont les éléments déclencheurs de cette passion qui vous anime jusqu'à ce jour?

Tessilim Adjayi : C'est une longue histoire!

Un jour j'étais parti à PHOTO SHOP pour imprimer quelques photos et quand la dame coréenne a regardé les photos que je voulais imprimer, elle m'a dit de venir; ce que j'ai fait.
Elle m'a ensuite dit : Tu maîtrises bien Photoshop. Tu peux travailler avec moi ?
Je lui ai répondu non parce que j'étais rentré à Lomé pour faire le cinéma ou encore mieux monter des films.
Elle a dit ok mais elle a pris mon numéro.

Deux jours après, mon téléphone sonna. C'était elle qui me disait de venir travailler avec elle parce qu'elle pouvait m'accorder des permissions pour mes tournages.
Sa permission me plut et dès le lendemain je me m'y à travailler avec elle. Je faisais des retouches photos (traitements, montage photos, ....) pour des professionnels de la photo dans le laboratoire. On faisait aussi des séances de Photo studio pour des clients. C'est de là que j'ai appris beaucoup de choses,  qui servent aujourd'hui à ma carrière professionnelle.
 

DN.Blessing : Vous affirmez être un photographe sans thème spécifique qui pour reprendre vos mots, " sculpte avec son objectif la société pour soulever des questions."
La photographie pour interpeller, la photographie pour révéler le quotidien et/ou des faits de société.
Est-ce ainsi que l'on pourrait décrire votre signature photographique? Quelle est votre signature? À quoi reconnaît-on une photographie de Tessilim Adjayi?

Tessilim Adjayi : La photographie de Tessilim ADJAYI peint la société, l'artiste est dans le temps.

C'est ainsi que j'ai travaillé sur la pandémie au coronavirus, l'aventure, de l'esclavage,...

Montrer les faits de société (le life style) autrement avec des images qui suscitent des interrogations.
De la photographie humanitaire en passant par des identités uniques à la photographie conceptuelle, j'ai une volonté de raconter des histoires singulières afin de rendre mon travail photographique authentique.Oui, c'est ainsi que l'on pourrait décrire ma signature photographique.

Pour reconnaître une photographie de Tessilim ADJAYI, il suffit de bien la regarder, la regarder encore, encore et encore.


Vous remarquerez dans le style une dimension profonde, un sens poétique. De la couleur au noir et blanc contrasté, mes photos racontent des histoires pas brutes. L'ambition est de montrer les sociétés Africaines à travers les cultures,  en mettant un accent particulier sur des êtres singuliers .
De la prise de vue aux retouches (ton sombres / ton clairs, contraste), mes photographies sont présentées à travers des concepts et un style - le minimalisme-.


Le style est avant tout quelque chose de très personnel que vous seul allez trouver au fur et à mesure que vous travaillerez sur vos photographies.

Pour développer «ma patte photographique » je m'inspire des rites africains, je regarde beaucoup de photos , je suis entouré de photographes et surtout des artistes qui m'inspirent comme Reza Deghati , Abdoul Ganiou Dermani , Dominique Zinkpè , Ishola Akpo , jimmy Hope , Richard Avedon, Antoniou Platon , Véronique Durruty, Robert Cornelius, Kevin Abosh, Jimmy Nelson, etc.
 

DN.Blessing : Vous présentez la société africaine par vos œuvres photographiques et audiovisuelles. Actuellement par exemple, par l'exposition de votre chef-d'œuvre " Between work and Maternal Love photography" en Corée du Sud, c'est la cité béninoise de Ganvié, c'est le lac Nokoué et les vendeuses en pirogue que vous mettez en lumière.
Comment expliquez-vous cette mise en avant récurrente de l'Afrique dans vos œuvres ?

Tessilim Adjayi : On ne raconte que ce qu'on connaît, que ce qu'on voit. Je suis enclin aux valeurs identitaires Africaines.

La richesse culturelle et artistique de l'Afrique doit être racontée par ses artistes contemporains sinon elle sera déformée par les autres.
 
Ousmane Sembene écrivait «si les Africains ne racontent pas l'Afrique, elle disparaîtra».

Cet éveil de conscience doit interpeller les créateurs des œuvres de l'esprit africain (littératures, cinéma, art plastiques) à écrire leur histoire avec leur mot.

Aujourd'hui ce qui peut mettre en avant un artiste Africain comme un togolais comme moi,  c'est de peindre le nouveau visage de l'Afrique à travers ses cultures, ses sociétés. Raconter des histoires, faire passer des messages...


La mise en avant récurrente de l'Afrique dans mes œuvres vient donc naturellement. J'immortalise des instants de vie partout où je me trouve en Afrique. Peut-être que demain je serai sur un autre continent, mais je raconterai toujours les histoires en lien avec les cultures africaines.


La quotidienneté des pays africains est ce que j'ai de plus cher à valoriser à travers mes photographies.


DN.Blessing : Vous êtes un photographe togolais de renom. Le Togo compte vos créations photographiques dans ses collections publiques. Par votre canal, c'est la photographie togolaise qui est représentée. Quelles informations pouvez-vous donner aux lecteurs désireux d'approfondir leurs connaissances sur la photographie togolaise?

Tessilim Adjayi : Je suis trop jeune pour répondre à cette question. (rires)

 

La photographie togolaise a connu ses premiers adeptes bien avant les années 50. Un clin d'œil à Alex A. Acolatse, à Clément Fumey (Photo Edekpe) , Anthony Bright (Photo Cocovena) , à Bernard Anah (Photo Gomido) , à Stéphane Nuvi-Têvi dit Degbava ,etc .


Je me contente ici de mentionner le nom de Jacques DO KOKOU qui est témoin de six décennies de photographies au Togo.

Aujourd'hui la photographie au Togo est essentiellement dirigé vers le portrait, le shooting photo , les reportages.


La photographie togolaise connaît aussi plusieurs jeunes créateurs qui mettent leur talent au service du public et de la création contemporaine.


On peut citer entre autres David Ekoué , N'Krumah Lawson Daku , King's Studio photography , Jerry DOE ORLANDO , Yawo WODY , Nathalie AMEGANDJI , DRYER Photographie , Victoire Agbemehin , BELLEVUE PHOTOGRAPHIE, , Lina MENSAH , Senyo HODIN , Mounia Youssef , Kofi Paul HOUESSOU , Innocent KETEMEPI , Georges Nathaniels LAWSON , EbenScar , Florent Banissa , Wesley d'Almeida , Bernard DAFO , Kossi KANYI, Folly KOUMOUGANH , Kokou Dosseh , David Morera , LynkFlorent , Victor AKPANI.


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